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La « Mère des Fontaines »

C’est lors d’un labour profond en 1962, de soixante à soixante-dix centimètres, que des tâches de terre noire riches en cendres et en déchets sont apparues. Associées à des vestiges matériels tels que des tessons de céramique, des outils de silex et plus rarement des objets de parure, des vestiges de cabanes préhistoriques y ont été décelés par Jean Grimal – instituteur et préhistorien.

Des prospections sur les parcelles voisines en 1965 et une fouille à l’été 1966, ont permis de mettre en évidence une dizaine de fosses et une couche archéologique encore en place avec son mobilier en bon état de conservation.

Le village préhistorique de la « Mère des Fontaines » situé à 2km environ du Nord du village de Tourbes, s’étendait sur le versant Est du plateau des "Canals" et devait couvrir une surface plus ou moins circulaire d’environ 3 hectares.

A la « Mère des Fontaines », c’est donc une concentration en surface de tessons de poterie, d’éclats de silex, de fragments d’ossements plus ou moins calcinés, mêlés à la terre noire archéologique, qui a permis de déceler et de délimiter les aires d'habitat.

De telles structures évoquent des villages bien organisés, avec des cabanes solides et une occupation permanente.

Un des sondages réalisés a permis de dégager un fond, de forme circulaire, d’un peu plus d’un mètre de diamètre et creusé dans le sol primitif.

Il ne semble pas qu’il y ait eu un soubassement en pierres sèches pour soutenir le branchage des parois en pisé. Il est possible de penser que le village de la « Mère des Fontaines » ne correspond en réalité qu’à un habitat temporaire, utilisé au rythme des déplacements saisonniers.

Le mobilier archéologique :

La céramique constitue l’essentiel du mobilier. Parmi les nombreux tessons ramassés, certains évoquent des formes et des décors caractéristiques du chalcolithique local.

Le profil de plusieurs vases a pu être reconstitué. La présence de décor de pastillage au repoussé, ornant un vase, est caractéristique de la période du chalcolithique.

Un autre vase porte plusieurs paires d’oreilles superposées. Cette manière de placer les moyens de préhension est spécifique d’une culture qui se rencontre surtout dans le Languedoc oriental.

Un autre tesson porte des cannelures en guirlande, il s’agit d’un caractère distinctif de la porterie Fontbuxienne.

Un autre tesson, décoré de traits obliques incisés à cuit, s’adossant à deux traits horizontaux, peut-être attribué à un caliciforme local ou à la céramique à triangles hachurés du Chalcolithique caussenard.

L’industrie lithique n’est ici représentée que par une pointe de flèche à retouches bifaciales et pédoncule mal dégagé taillée dans un silex blanc et un nucléus taillé dans ce même silex, communément nommé « silex de Pinet ». Ainsi qu’une lamelle en silex gris-bleu. L’outillage macro-lithique est quant à lui représenté par la présence de quelques fragments de meules en basalte et un broyon en grès.

Le mobilier métallique découvert dans un des fonds de cabanes correspond à un fragment d’une pointe de lame asymétrique, peut-être un couteau, dont le tranchant seul a été obtenu par martelage. Les mines de cuivre les plus proches, exploitées à cette période, sont celles de Cabrières. L’analyse métallographique indique que le cuivre provient de ce secteur minier. Cu 93%; Sn 0%; Pb 0,10%; As 0,10%; Sb 1,5%; Ag 5%; Ni 0,005%; Bi 0,002%; Fe 0,001%; Zn 0,001%

L’outillage osseux est représenté par un poinçon durci au feu, en bon état de conservation.

Les éléments de parure sont peu nombreux, une perle cylindrique incomplète façonnée en aragonite de couleur miel (provenance indéterminée), une valve supérieure d’huitre perforée, une coquille de cardium polie et perçée ainsi que deux petites perles rondes et plates en calcaire blanc.

Les divers éléments mentionnés sont caractéristiques de la période du Chalcolithique. Le site de la « Mère des Fontaines » prospère au Chalcolithique et probablement dès le Néolithique final, et a vraisemblablement décliné dès l'âge du Bronze.


Texte A. Diaz

Sources Grimal J., 1967, 1970

En savoir plus

La station préhistorique de la « Mère des Fontaines » se situe en bordure de la vallée de la Peyne, dont un petit affluent est encore visible au Sud-Est du site. La proximité d’un point d’eau est probablement un des aspects attractifs de l’occupation préhistorique.

L’importance de ce point d’eau est confirmée par le fait qu’il ait été capté bien plus tard, au moyen-âge, pour alimenter en eau potable la ville de Pézenas, au moyen d’un aqueduc dont les vestiges subsistent encore (Coulouma, 1937 ; Grenier,1960 ; Nougaret, 1979).

Cet aqueduc a longtemps été attribué aux romains, mais son origine est bien médiévale. Cet ouvrage sera entretenu jusqu’au XVIIème siècle (curetage de 1652, réparation de 1735) puis restauré en 1755 (voûte appareillée).

Coulouma J., 1937L’aqueduc romain de Pézenas. Cahiers d’Histoire et d’Archéologie, 45e cahier, p. 502-507.

 

Grenier A., 1960Manuel d’Archéologie gallo-romaine : Les monuments des eaux, T. IV (2), p.102.

 

Grimal J., 1967La station de la « Mère des Fontaines ». Cahiers Ligures de préhistoire et d’archéologie n°16, p. 126-130.

 

Grimal J., 1970 – La station préhistorique de la « Mère des Fontaines » (commune de Tourbes). Études Héraultaises, Revue 1970 n°1, 5p.

Nougaret, J., 1979Pézenas, Évolution urbaine et architecturale du XVIème à la fin du XVIIIème siècle. Études sur Pézenas et l’Hérault – Bulletin trimestriel édité par les Amis de Pézenas, N° spécial – ISSN : 0183-7591, 216 p.